“A veces tengo la sensación de que nada de lo que sucede sucede, porque nada sucede sin interrupción, nada perdura ni persevera ni se recuerda incesantemente, y hasta l más monótona y rutinaria de las existencias se va anulando y negando a sí misma en su aparente repetición hasta que nada es nada ni nadie es nadie que fueran antes, y la débil rueda del mundo es empujada por desmemoriados que oyen y ven y saben lo que no se dice ni tiene lugar ni es cognoscible ni comprobable. Lo que se da es idéntico a lo que no se da, lo que descartamos o dejamos pasar idéntico a lo que tomamos y asimos, lo que experimentamos idéntico a lo que no probamos, y sin embargo nos va la vida y se nos va la vida en escoger y rechazar y seleccionar, en trazar una línea que separe esas cosas que son idénticas y haga de nuestra historia una historia única que recordemos y pueda contarse. Volcamos toda nuestra inteligencia y nuestros sentidos y nuestro afán en la tarea de discernir lo que será nivelado, o ya lo está, y por eso estamos llenos de arrepentimientos y de ocasiones perdidas, de confirmaciones y reafirmaciones y ocasiones aprovechadas, cuando lo cierto es que nada se afirma y todo se va perdiendo. O caso es que nunca hubo nada.”
Fragmento de Corazón tan Blanco, Marías.
El Arte de Ser Feliz
REGLA NÚMERO 23
Plauto dice: est in vita quasi cum ludas tesseris: si id quod jactu opus erat forte non cecidit, id quod cecidit arte corrigas (sic fere) [«En la vida es como en el juego de dados: si una tirada no cae como la necesitas, el arte debe corregir lo que el azar ofrece», así aproximadamente Terencio (no Plauto), Adelphi, IV, 7, versos 739-741].
Una parábola parecida es ésta: En la vida ocurre como en el ajedrez: en ambos hacemos un plan, pero éste queda del todo condicionado por lo que en el ajedrez hará el contrario y, en la vida, el destino. Las modificaciones que así se producen, generalmente son tan importantes que nuestro plan apenas es reconocible en algunos rasgos básicos cuando lo realizamos.
Schopenhauer
Sartre à propos de la mort de Camus
Il y a six mois, hier encore, on se demandait: «Que va-t-il faire?» Provisoirement, déchiré par des contradictions qu’il faut respecter, il avait choisi le silence. Mais il était de ces hommes rares, qu’on peut bien attendre parce qu’ils choisissent lentement et restent fidèles à leur choix. Un jour, il parlerait. Nous n’aurions pas même osé risquer une conjecture sur ce qu’il dirait. Mais nous pensions qu’il changeait avec le monde comme chacun de nous: cela suffisait pour que sa présence demeurât vivante. Nous étions brouillés, lui et moi: une brouille, ce n’est rien – dût-on ne jamais se revoir -, tout juste une autre manière de vivre ensemble et sans se perdre de vue dans le petit monde étroit qui nous est donné. Cela ne m’empêchait pas de penser à lui, sentir son regard sur la page du livre, sur le journal qu’il lisait et de me dire: «Qu’en dit-il? Qu’en dit-il EN CE MOMENT?»
Son silence que, selon les événements et mon humeur, je jugeais parfois trop prudent et parfois douloureux, c’était une qualité de chaque journée, comme la chaleur ou la lumière, mais humaine. On vivait avec ou contre sa pensée, telle que nous la révélaient ses livres – «la Chute», surtout, le plus beau peut-être et le moins compris – mais toujours à travers elle. C’était une aventure singulière de notre culture, un mouvement dont on essayait de deviner les phases et le terme final. Il représentait en ce siècle, et contre l’Histoire, l’héritier actuel de cette longue lignée de moralistes dont les œuvres constituent peut-être ce qu’il y a de plus original dans les lettres françaises. Son humanisme têtu, étroit et pur, austère et sensuel, livrait un combat douloureux contre les événements massifs et difformes de ce temps. Mais, inversement, par l’opiniâtreté de ses refus, il réaffirmait, au cœur de notre époque, contre les machiavéliens, contre le veau d’or du réalisme, l’existence du fait moral.
Il était pour ainsi dire cette inébranlable affirmation. Pour peu qu’on lût ou qu’on réfléchît, on se heurtait aux valeurs humaines qu’il gardait dans son poing serré: il mettait l’acte politique en question. Il fallait le tourner ou le combattre: indispensable en un mot, à cette tension qui fait la vie de l’esprit. Son silence même, ces dernières années, avait un aspect positif: ce cartésien de l’absurde refusait de quitter le sûr terrain de la moralité et de s’engager dans les chemins incertains de la pratique. Nous le devinions et nous devinions aussi les conflits qu’il taisait: car la morale, à la prendre seule, exige à la fois la révolte et la condamne.
Nous attendions, il fallait attendre, il fallait savoir: quoi qu’il eût pu faire ou décider par la suite, Camus n’eût jamais cessé d’être une des forces principales de notre champ culturel, ni de représenter à sa manière l’histoire de la France et de ce siècle. Mais nous eussions su peut-être et compris son itinéraire. Il avait tout fait – toute une œuvre – et, comme toujours, tout restait à faire. Il le disait: «Mon œuvre est devant moi.» C’est fini. Le scandale particulier de cette mort, c’est l’abolition de l’ordre des hommes par l’inhumain.[…] Rarement, les caractères d’une œuvre et les conditions du moment historique ont exigé si clairement qu’un écrivain vive.
L’accident qui a tué Camus, je l’appelle scandale parce qu’il fait paraître au cœur du monde humain l’absurdité de nos exigences les plus profondes.
Camus, à 20 ans, brusquement frappé d’un mal qui bouleversait sa vie, a découvert l’absurde, imbécile négation de l’homme. Il s’y est fait, il a pensé son insupportable condition, il s’est tiré d’affaire. Et l’on croirait pourtant que ses premières œuvres seules disent la vérité de sa vie, puisque ce malade guéri est écrasé par une mort imprévisible et venue d’ailleurs. L’absurde, ce serait cette question que nul ne lui pose plus, qu’il ne pose plus à personne, ce silence qui n’est même plus un silence, qui n’est absolument plus rien.
Je ne le crois pas. Dès qu’il se manifeste, l’humain devient partie de l’humain.
Toute vie arrêtée même celle d’un homme si jeune -, c’est à la fois un disque qu’on casse et une vie complète. Pour tous ceux qui l’ont aimé, il y a dans cette mort une absurdité insupportable. Mais il faudra apprendre à voir cette œuvre mutilée comme une œuvre totale.
Dans la mesure même où l’humanisme de Camus contient une attitude humaine envers la mort qui devait le surprendre, dans la mesure où sa recherche orgueilleuse et pure du bonheur impliquait et réclamait la nécessité inhumaine de mourir, nous reconnaîtrons dans cette œuvre et dans la vie qui n’en est pas séparable la tentative pure et victorieuse d’un homme pour reconquérir chaque instant de son existence sur sa mort future.
Jean-Paul Sartre
(Texte publié le 7 janvier 1960 dans «
France Observateur »
El enamorado
El enamorado
Borges
Lunas, marfiles, instrumentos, rosas,
lámparas y la línea de Durero,
las nueve cifras y el cambiante cero,
debo fingir que existen esas cosas.
Debo fingir que en el pasado fueron
Persépolis y Roma y que una arena
sutil midió la suerte de la almena
que los siglos de hierro deshicieron.
Debo fingir las armas y la pira
de la epopeya y los pesados mares
que roen de la tierra los pilares.
Debo fingir que hay otros. Es mentira.
Sólo tú eres. Tú, mi desventura
y mi ventura, inagotable y pura.
Vargas Llosa, Nobel 2010
“Las mentiras de la literatura se vuelven verdades a través de nosotros, los lectores transformados, contaminados de anhelos y, por culpa de la ficción, en permanente entredicho con la mediocre realidad. Hechicería que, al ilusionarnos con tener lo que no tenemos, ser lo que no somos, acceder a esa imposible existencia donde, como dioses paganos, nos sentimos terrenales y eternos a la vez, la literatura introduce en nuestros espíritus la inconformidad y la rebeldía, que están detrás de todas las hazañas que han contribuido a disminuir la violencia en las relaciones humanas. A disminuir la violencia, no a acabar con ella. Porque la nuestra será siempre, por fortuna, una historia inconclusa. Por eso tenemos que seguir soñando, leyendo y escribiendo, la más eficaz manera que hayamos encontrado de aliviar nuestra condición perecedera, de derrotar a la carcoma del tiempo y de convertir en posible lo imposible.”
William Faulkner’s Nobel Banquet Speech
Ladies and gentlemen,I feel that this award was not made to me as a man, but to my work – a life’s work in the agony and sweat of the human spirit, not for glory and least of all for profit, but to create out of the materials of the human spirit something which did not exist before. So this award is only mine in trust. It will not be difficult to find a dedication for the money part of it commensurate with the purpose and significance of its origin. But I would like to do the same with the acclaim too, by using this moment as a pinnacle from which I might be listened to by the young men and women already dedicated to the same anguish and travail, among whom is already that one who will some day stand here where I am standing.Our tragedy today is a general and universal physical fear so long sustained by now that we can even bear it. There are no longer problems of the spirit. There is only the question: When will I be blown up? Because of this, the young man or woman writing today has forgotten the problems of the human heart in conflict with itself which alone can make good writing because only that is worth writing about, worth the agony and the sweat.
He must learn them again. He must teach himself that the basest of all things is to be afraid; and, teaching himself that, forget it forever, leaving no room in his workshop for anything but the old verities and truths of the heart, the old universal truths lacking which any story is ephemeral and doomed – love and honor and pity and pride and compassion and sacrifice. Until he does so, he labors under a curse. He writes not of love but of lust, of defeats in which nobody loses anything of value, of victories without hope and, worst of all, without pity or compassion. His griefs grieve on no universal bones, leaving no scars. He writes not of the heart but of the glands.
Until he relearns these things, he will write as though he stood among and watched the end of man. I decline to accept the end of man. It is easy enough to say that man is immortal simply because he will endure: that when the last dingdong of doom has clanged and faded from the last worthless rock hanging tideless in the last red and dying evening, that even then there will still be one more sound: that of his puny inexhaustible voice, still talking.
I refuse to accept this. I believe that man will not merely endure: he will prevail. He is immortal, not because he alone among creatures has an inexhaustible voice, but because he has a soul, a spirit capable of compassion and sacrifice and endurance. The poet’s, the writer’s, duty is to write about these things. It is his privilege to help man endure by lifting his heart, by reminding him of the courage and honor and hope and pride and compassion and pity and sacrifice which have been the glory of his past. The poet’s voice need not merely be the record of man, it can be one of the props, the pillars to help him endure and prevail.
Discurso Thomas Mann en ceremonia del Premio Nobel 1929
Thomas Mann’s speech at the Nobel Banquet at Grand Hôtel, Stockholm, December 10, 1929
(Translation)
Now my turn to thank you has come, and I need not tell you how much I have looked forward to it. But alas, at this moment of truth I am afraid that words will fail my feelings, as is so often the case with born non-orators.
All writers belong to the class of non-orators. The writer and the orator are not only different, but they stand in opposition, for their work and the achievement of their effects proceed in different ways. In particular the convinced writer is instinctively repelled, from a literary standpoint, by the improvised and noncomittal character of all talk, as well as by that principle of economy which leaves many and indeed decisive gaps which must be filled by the effects of the speaker’s personality. But my case is complicated by temporary difficulties that have virtually foredoomed my makeshift oratory. I am referring, of course, to the circumstances into which I have been placed by you, gentlemen of the Swedish Academy, circumstances of marvellous confusion and exuberance. Truly, I had no idea of the thunderous honours that are yours to bestow! I have an epic, not a dramatic nature. My disposition and my desires call for peace to spin my thread, for a steady rhythm in life and art. No wonder, if the dramatic firework that has crashed from the North into this steady rhythm has reduced my rhetorical abilities even beneath their usual limitations. Ever since the Swedish Academy made public its decision, I have lived in festive intoxication, an enchanting topsy-turvy, and I cannot illustrate its consequences on my mind and soul better than by pointing to a pretty and curious love poem by Goethe. It is addressed to Cupid himself and the line that I have in mind goes: «Du hast mir mein Gerät verstellt und verschoben.» Thus the Nobel Prize has wrought dramatic confusion among the things in my epic household, and surely I am not being impertinent if I compare the effects of the Nobel Prize on me to those that passion works in a well-ordered human life.
And yet, how difficult it is for an artist to accept without misgivings such honours as are now showered upon me! Is there a decent and self-critical artist who would not have an uneasy conscience about them? Only a suprapersonal, supra-individual point of view will help in such a dilemma. It is always best to get rid of the individual, particularly in such a case. Goethe once said proudly, «Only knaves are modest.» That is very much the word of a grand seigneur who wanted to disassociate himself from the morality of subalterns and hypocrites. But, ladies and gentlemen, it is hardly the whole truth. There is wisdom and intelligence in modesty, and he would be a silly fool indeed who would find a source of conceit and arrogance in honours such as have been bestowed upon me. I do well to put this international prize that through some chance was given to me, at the feet of my country and my people, that country and that people to which writers like myself feel closer today than they did at the zenith of its strident empire.
After many years the Stockholm international prize has once more been awarded to the German mind, and to German prose in particular, and you may find it difficult to appreciate the sensitivity with which such signs of world sympathy are received in my wounded and often misunderstood country.
May I presume to interpret the meaning of this sympathy more closely? German intellectual and artistic achievements during the last fifteen years have not been made under conditions favourable to body and soul. No work had the chance to grow and mature in comfortable security, but art and intellect have had to exist in conditions intensely and generally problematic, in conditions of misery, turmoil, and suffering, an almost Eastern and Russian chaos of passions, in which the German mind has preserved the Westem and European principle of the dignity of form. For to the European, form is a point of honour, is it not? I am not a Catholic, ladies and gentlemen; my tradition is like that of all of you; I support the Protestant immediateness to God. Nevertheless, I have a favourite saint. I will tell you his name. It is Saint Sebastian, that youth at the stake, who, pierced by swords and arrows from all sides, smiles amidst his agony. Grace in suffering: that is the heroism symbolized by St. Sebastian. The image may be bold, but I am tempted to claim this heroism for the German mind and for German art, and to suppose that the international honour fallen to Germany’s literary achievement was given with this sublime heroism in mind. Through her poetry Germany has exhibited grace in suffering. She has preserved her honour, politically by not yielding to the anarchy of sorrow, yet keeping her unity; spiritually by uniting the Eastern principle of suffering with the Western principle of form – by creating beauty out of suffering.
Allow me at the end to become personal. I have told even the first delegates who came to me after the decision how moved and how pleased I was to receive such an honour from the North, from that Scandinavian sphere to which as a son of Lübeck I have from childhood been tied by so many similarities in our ways of life, and as a writer by so much literary sympathy and admiration for Northern thought and atmosphere. When I was young, I wrote a story that young people still like: Tonio Kröger. It is about the South and the North and their mixture in one person, a problematic and productive mixture. The South in that story is the essence of sensual, intellectual adventure, of the cold passion of art. The North, on the other hand, stands for the heart, the bourgeois home, the deeply rooted emotion and intimate humanity. Now this home of the heart, the North, welcomes and embraces me in a splendid celebration. It is a beautiful and meaningful day in my life, a true holiday of life, a «högtidsdag», as the Swedish language calls any day of rejoicing. Let me tie my final request to this word so clumsily borrowed from Swedish: Let us unite, ladies and gentlemen, in gratitude and congratulations to the Foundation, so beneficial and important the world over, to which we owe this magnificent evening. According to good Swedish custom, join me in a fourfold hurrah to the Nobel Foundation!
(Auf Deutsch)
Der Augenblick zu danken ist nun auch für mich gekommen, ein er sehnter Augenblick, ich brauche es nicht zu sagen. Und nun, wo er da ist, wo es gilt, nun steht zu fürchten, dass das Wort sich dem Gefühle versagt, wie es bei geborenen Nichtrednern zu gehen pflegt. Zu den geborenen Nichtrednern zähle ich die Schriftsteller überhaupt: es bestehen tiefe Unterschiede, ja Gegensätze zwischen den Produktions- und Wirkungsarten des Redners und des Schriftstellers, und namentlich wird das Improvisatorische, das literarische Ungefähr alles Redens, das Prinzip künstlerischer Aussparung, das Vieles, ja Entscheidendes der nachhelfenden Persönlichkeitswirkung zur Ergänzung offen lässt, den Instinkten der entschiedenen Schriftstellerpersönlichkeit zuwider sein. In meinem Falle aber kommen temporäre Unzuträglichkeiten hinzu, die meinem Zur-Not-Rednertum wenig Hoffnung lassen, sich zu bewähren: Die Umstände, in die Sie selbst, meine Herren von der Schwedischen Akademie, mich versetzt haben, turbulente Umstände, herrlich verwirrende und umstürzend lebensfestliche Umstände. Wirklich, ich habe mir keine Vorstellung gemacht von der Donnergewalt der Ehrung, die Sie in Händen halten und zu vergeben haben. Ich bin eine epische, keine dramatische Natur. Das ruhige Fortspinnen meines Fadens, das Gleich mass in Leben und Kunst ist es im Grunde, was meinen Wünschen und Anlagen entspricht. Kein Wunder, dass der dramatische Lebens-Knalleffekt, der da von Norden her in dies Gleichmass hineinschmetterte, meine rednerische Fertigkeit noch über das gewohnte Mass einschränkt. Seit der im Schoss der Schwedischen Akademie gefasste Beschluss in die Welt ging, lebe ich in einem immerwährenden Festtrubel, einem bezaubernden Drüber und Drunter, dessen seelische und geistige Folgen ich am besten kennzeichne, indem ich an ein seltsam schönes Liebesgedicht von Goethe erinnere. Es ist an Kupido selbst gerichtet, und ich meine die Zeile: »Du hast mir mein Gerät verstellt und verschoben». So hat der Nobelpreis mir mein episches Hausgerät dramatisch verstellt und verschoben, – und, nicht wahr, ich trete der mir verliehenen Ehrung nicht zu nahe, wenn ich ihre Wirkungen denen der Liebesleidenschaft in einem geordneten Menschenleben vergleiche.
Dennoch, wie schwer ist es für einen Künstler, solchen Ehrungen, wie sie jetzt auf mich niederrauschen, mit guter Miene Stand zu halten! Gibt es ein anständiges, selbstkritisches Künstlertum, das ein gutes Gewissen dabei hätte? Nur der überpersönliche, überindividuelle Gesichtspunkt kann da helfen. Vom Individuellen loszukommen, ist immer Wohltat, besonders in solchem Fall. Von Goethe stammt das stolze Wort: »Nur die Lumpe sind bescheiden». Das ist das Wort eines sehr grossen Herrn, der damit eine gewisse Heuchler- und Duckmäusermoral von sich abwehren wollte. Aber, meine Damen und Herren, das Wort hat nicht unbedingte Gültigkeit.
Bescheidenheit hat auch etwas mit Gescheitheit, mit Intelligenz zu tun; und der, meine ich, müsste ein rechter Dummkopf sein, der sich aus Ehrungen, wie der mir zugefallenen, eine Quelle des Eigendünkels und der Aufgeblasenheit machen wollte. Ich tue wohl daran, den Weltpreis, der mehr oder weniger zufällig auf meinen Namen lautet, meinem Lande und Volke zu Füssen zu legen, diesem Lande und Volk, mit dem meinesgleichen sich heute nur fester noch verbunden fühlt, als zur Zeit seiner klirrendsten Machtentfaltung. Dem deutschen Geist, der deutschen Prosa insbesondere, gilt dieses Jahr der Stockholmer Weltpreis, nach langen Jahren wieder einmal, und Sie machen sich schwer eine Vorstellung von der sensitiven Empfänglichkeit dieses verwundeten und vielfach unverstandenen Volkes für solche Zeichen der Weltsympathie.
Darf ich mir anmassen, den Sinn dieser Sympathie etwas näher zu deuten: Was in Deutschland in den letzten anderthalb Jahrzehnten geistig, künstlerisch geleistet wurde, ist nicht im Schutz günstiger Umstände, nicht unter gesicherten seelischen und materiellen Verhältnissen geleistet worden; kein Werk konnte in Sicherheit und Behagen sich runden und reifen, sondern die Bedingungen der Kunst und des Geistes waren diejenigen schärfster allgemeiner Problematik, waren Bedingungen der Not, der Aufgewühltheit und des Leidens, eines fast östlichen, fast russischen Leidenswirrsals, in welchem der deutsche Geist das westliche, das europäische Prinzip gewahrt hat, die Ehre der Form. Denn, nicht wahr, Form, das ist eine europäische Ehrensache! – Ich bin kein Katholik, meine Herren und Damen, meine Überlieferung ist, wie wahrscheinlich die Ihrer aller, die protestantische Gottesunmittelbarkeit. Dennoch habe ich einen Lieblingsheiligen. Ich will Ihnen seinen Namen nennen, es ist der Heilige Sebastian – Sie wissen, jener Jüngling am Pfahl, den Schwerter und Pfeile von allen Seiten durchdringen, und der in Qualen lächelt. Anmut in der Qual – dies Heldentum ist es, das Sankt Sebastian symbolisiert. Das Bild mag kühn sein, aber ich bin versucht, dies Heldentum für den deutschen Geist, die deutsche Kunst in Anspruch zu nehmen und zu vermuten, dass die der literarischen Leistung Deutschlands zugefallene Weltehrung diesem sublimen Heldentum gilt. Deutschland hat durch seine Dichtung Anmut bewiesen in der Qual. Es hat die Ehre gewahrt: politisch, indem es nicht in Schmerzensanarchie zerfiel, indem es das Reich bewahrte; und geistig, indem es das östliche Prinzip des Leidens zu einen vermochte mit dem westlichen Prinzip der Form, indem es in Leiden Schönes hervorbrachte.
Und nun lassen Sie mich zum Schluss noch einmal persönlich sprechen. Schon den ersten Unterrednern, die mich nach gefallener Entscheidung aufsuchten, habe ich ausgesprochen, wie sehr es mich rührt und mir genugtut, dass diese Auszeichnung mir gerade aus Norden kam, aus dieser skandinavischen Sphäre, mit der mich als Lübecker Kind von jung auf so viel Übereinstimmung der Lebensform, als Schriftsteller so viel literarische Sympathie und Bewunderung für nordischen Geist und Tonfall verbindet. Als junger Mensch habe ich eine Erzählung geschrieben, die immernoch jungen Menschen wohlgefällt, den Tonio Kroger. Sie handelt vom Süden und vom Norden und von der Mischung beider in einer Person: einer konfliktvollen und produktiven Mischung. Der Süden, das ist in dieser Geschichte der Inbegriff alles geistig-sinnlichen Abenteuers, der kalten Leidenschaft des Künstlertums; der Norden dagegen der Inbegriff aller Herzlichkeit und bürgerlichen Heimat, alles tief ruhenden Gefühls, aller innigen Menschlichkeit. Und nun umfängt und empfängt sie mich denn als strahlendes Fest, diese Herzensheimat des Nordens. Das ist ein schöner, sinnvoller Tag in meinem Leben, ein rechtes Lebensfest, ein »högtidsdag», wie die schwedische Sprache ausdrucksvoll das Fest überhaupt nennt. An dieses, der schwedischen Sprache mit Unbeholfenheit entliehene Wort lassen Sie mich die Bitte knüpfen, zu der ich schliesslich komme. Vereinigen wir uns, meine Damen und Herren, in Dank und Glückwünschen für die segen volle und weltbedeutende Stiftung, der wir diesen herrlichen Abend verdanken. Nach gut schwedischer Sitte wollen Sie mit mir einstimmen in ein vierfaches Hurra auf die Nobelstiftung. Die Nobelstiftung Hurra, hurra, hurra, hurra!
Erotismo
“Por eso, si queremos que el amor físico contribuya a enriquecer la vida de la gente, liberémoslo de los prejuicios, pero no de las formas y los ritos que lo embellecen y civilizan, y, en vez de exhibirlo a plena luz y por las calles, preservemos esa privacidad y discreción que permiten a los amantes jugar a ser dioses y sentir que lo son en esos instantes intensos y únicos de la pasión y el deseo compartidos.”
Pasaje de: Mario Vargas Llosa. “La civilización del espectáculo.”
Saint-John Perse
Saint-John Perse1960
Your Majesties, Your Royal Highnesses, Your Excellencies, Ladies and Gentlemen.
J’ai accepté pour la poésie l’hommage qui lui est ici rendu, et que j’ai hâte de lui restituer.
La poésie, sans vous, ne serait pas souvent à l’honneur. C’est que la dissociation semble s’accroître entre l’œuvre poétique et l’activité d’une société soumise aux servitudes matérielles. Ecart accepté, non recherché par le poète, et qui serait le même pour le savant sans les applications pratiques de la science.
Mais du savant comme du poète, c’est la pensée désintéressée que l’on entend honorer ici. Qu’ici du moins ils ne soient plus considérés comme des frères ennemis. Car l’interrogation est la même qu’ils tiennent sur un même abîme, et seuls leurs modes d’investigation différent.
Quand on mesure le drame de la science moderne découvrant jusque dans l’absolu mathématique ses limites rationnelles; quand on voit, en physique, deux grandes doctrines maîtresses poser, l’une un principe général de relativité, l’autre un principe quantique d’incertitude et d’indéterminisme qui limiterait à jamais l’exactitude même des mesures physique; quand on a entendu le plus grand novateur scientifique de ce siècle, initiateur de la cosmologie moderne et répondant de la plus vaste synthèse intellectuelle en termes d’équations, invoquer l’intuition au secours de la raison et proclamer que «l’imagination est le vrai terrain de germination scientifique», allant même jusqu’à réclamer pour le savant le bénéfice d’une véritable «vision artistique» – n’est on pas en droit de tenir l’instrument poétique pour aussi légitime que l’instrument logique?
Au vrai, toute création de l’esprit est d’abord «poétique» au sens propre du mot; et dans l’équivalence des formes sensibles et spirituelles, une même fonction s’exerce, initialement, pour l’entreprise du savant et pour celle du poète. De la pensée discursive ou de l’ellipse poétique, qui va plus loin et de plus loin? Et de cette nuit originelle où tâtonnent deux aveugles-nés, l’un équipé de l’outillage scientifique, l’autre assisté des seules fulgurations de l’intuition, qui donc plus tôt remonte, et plus chargé de brève phosphorescence. La réponse n’importe. Le mystère est commun. Et la grande aventure de l’esprit poétique ne le cède en rien aux ouvertures dramatiques de la science moderne. Des astronomes ont pu s’affoler d’une théorie de l’univers en expansion; il n’est pas moins d’expansion dans l’infini moral de l’homme – cet univers. Aussi loin que la science recule ses frontières, et sur tout l’arc étendu de ces frontières, on entendra courir encore la meute chasseresse du poète. Car si la poésie n’est pas, comme on l’a dit, «le réel absolu», elle en est bien la plus proche convoitise et la plus proche appréhension, à cette limite extrême de complicité où le réel dans le poème semble s’informer lui-même. Par la pensée analogique et symbolique, par l’illumination lointaine de l’image médiatrice, et par le jeu de ses correspondances, sur mille chaînes de réactions et d’associations étrangères, par la grâce enfin d’un langage où se transmet le mouvement même de l’Etre, le poète s’investit d’une surréalité qui ne peut être celle de la science. Est-il chez l’homme plus saisissante dialectique et qui de l’homme engage plus? Lorsque les philosophes eux-mêmes désertent le seuil métaphysique, il advient au poète de relever là le métaphysicien; et c’est la poésie, alors, non la philosophie, qui se révèle la vraie «fille de l’étonnement», selon l’expression du philosophe antique à qui elle fut le plus suspecte.
Mais plus que mode de connaissance, la poésie est d’abord mode de vie – et de vie intégrale. Le poète existait dans l’homme des cavernes, il existera dans l’homme des âges atomiques parce qu’il est part irréductible de l’homme. De l’exigence poétique, exigence spirituelle, sont nées les religions elles-mêmes, et par la grâce poétique, l’étincelle du divin vit à jamais dans le silex humain. Quand les mythologies s’effondrent, c’est dans la poésie que trouve refuge le divin; peut-être même son relais. Et jusque dans l’ordre social et l’immédiat humain, quand les Porteuses de pain de l’antique cortège cèdent le pas aux Porteuses de flambeaux, c’est à l’imagination poétique que s’allume encore la haute passion des peuples en quête de clarté.
Fierté de l’homme en marche sous sa charge d’éternité ! Fierté de l’homme en marche sous son fardeau d’humanité, quand pour lui s’ouvre un humanisme nouveau, d’universalité réelle et d’intégralité psychique … Fidèle à son office, qui est l’approfondissement même du mystère de l’homme, la poésie moderne s’engage dans une entreprise dont la poursuite intéresse la pleine intégration de l’homme. Il n’est rien de pythique dans une telle poésie. Rien non plus de purement esthétique. Elle n’est point art d’embaumeur ni de décorateur. Elle n’élève point des perles de culture, ne trafique point de simulacres ni d’emblèmes, et d’aucune fête musicale elle ne saurait se contenter. Elle s’allie, dans ses voies, la Beauté, suprême alliance, mais n’en fait point sa fin ni sa seule pâture. Se refusant à dissocier l’art de la vie, ni de l’amour la connaissance, elle est action, elle est passion, elle est puissance, et novation toujours qui déplace les bornes. L’amour est son foyer, l’insoumission sa loi, et son lieu est partout, dans l’anticipation. Elle ne se veut jamais absence ni refus. Elle n’attend rien pourtant des avantages du siècle. Attachée à son propre destin, et libre de toute idéologie, elle se connaît égale à la vie même, qui n’a d’elle-même à justifier. Et c’est d’une même étreinte, comme une seule grande strophe vivante, qu’elle embrasse au présent tout le passé et l’avenir, l’humain avec le surhumain, et tout l’espace planétaire avec l’espace universel. L’obscurité qu’on lui reproche ne tient pas à sa nature propre, qui est d’éclairer, mais à la nuit même qu’elle explore; celle de l’âme elle-même et du mystère où baigne l’être humain. Son expression toujours s’est interdit l’obscur, et cette expression n’est pas moins exigeante que celle de la science.
Ainsi, par son adhésion totale à ce qui est, le poète tient pour nous liaison avec la permanence et l’unité de l’Être. Et sa leçon est d’optimisme. Une même loi d’harmonie régit pour lui le monde entier des choses. Rien n’y peut advenir qui par nature excède la mesure de l’homme. Les pires bouleversements de l’histoire ne sont que rythmes saisonniers dans un plus vaste cycle d’enchaînements et de renouvellements. Et les Furies qui traversent la scène, torche haute, n’éclairent qu’un instant du très long thème en cours. Les civilisations mûrissantes ne meurent point des affres d’un automne, elles ne font que muer. L’inertie seule est menaçante. Poète est celui-là qui rompt pour nous l’accoutumance. Et c’est ainsi que le poète se trouve aussi lié, malgré lui, à l’événement historique. Et rien du drame de son temps ne lui est étranger. Qu’ à tous il dise clairement le goût de vivre ce temps fort! Car l’heure est grande et neuve, où se saisir à neuf. Et à qui donc céderions-nous l’honneur de notre temps? …
«Ne crains pas», dit l’Histoire, levant un jour son masque de violence – et de sa main levée elle fait ce geste conciliant de la Divinité asiatique au plus fort de sa danse destructrice. «Ne crains pas, ni ne doute – car le doute est stérile et la crainte est servile. Ecoute plutôt ce battement rythmique que ma main haute imprime, novatrice, à la grande phrase humaine en voie toujours de création. Il n’est pas vrai que la vie puisse se renier elle-même. Il n’est rien de vivant qui de néant procède, ni de néant s’éprenne. Mais rien non plus ne garde forme ni mesure, sous l’incessant afflux de l’Etre. La tragédie n’est pas dans la métamorphose elle-même. Le vrai drame du siècle est dans l’écart qu’on laisse croître entre l’homme temporel et l’homme intemporel. L’homme éclairé sur un versant va-t-il s’obscurcir sur l’autre. Et sa maturation forcée, dans une communauté sans communion, ne sera-t-elle que fausse maturité? …»
Au poète indivis d’attester parmi nous la double vocation de l’homme. Et c’est hausser devant l’esprit un miroir plus sensible à ses chances spirituelles. C’est évoquer dans le siècle même une condition humaine plus digne de l’homme originel. C’est associer enfin plus largement l’âme collective à la circulation de l’énergie spirituelle dans le monde … Face à l’énergie nucléaire, la lampe d’argile du poète suffira-t-elle à son propos? Oui, si d’argile se souvient l’homme.
Et c’est assez, pour le poète, d’être la mauvaise conscience de son temps.
Amantes
Las amantes siempre son anónimas.